« Quand je suis en télétravail, j’ai l’impression d’avoir une plus grande maîtrise de ce que je fais. »
Propos recueillis par Judy Raffray
House of Cadres a rencontré Constance, secrétaire générale de la direction juridique d’une banque plutôt classique qui a entamé sa révolution digitale. Mère de 3 enfants, elle partage avec nous son enthousiasme pour le travail à distance qu’elle pratique quelques jours par mois et qu’elle voit comme un booster de productivité et de créativité.
De quel type de flexibilité bénéficiez-vous ?
J’ai la possibilité de télétravailler 4 jours par mois et concrètement j’en utilise 2 jours de manière régulière. Je pose ces jours de télétravail – complètement mobiles – en fonction de mes besoins. En 2017 j’essaierai de mieux m’organiser pour travailler à distance jusqu’à 4 jours par mois car j’y ai pris goût !
Vous bénéficiez de jours de télétravail « mobiles ». Pouvez-vous nous expliquer comment cela fonctionne ?
Le télétravail a été mis en place dans mon entreprise il y a 1 an et demi après un premier pilote très concluant. Au niveau de ma direction, nous avons réfléchi avec les managers au nombre de jours télétravaillés souhaitable. Nous avons décidé de commencer par 4 jours par mois pour voir comment cela fonctionnait et nous donner la possibilité d’élargir à 8 jours par mois par la suite.
Selon les équipes ou les directions, chaque manager a pu choisir si les jours de télétravail seraient fixes ou mobiles. Pour certaines équipes qui fonctionnaient en binôme, l’option jour télétravaillé « fixe » a été retenue pour des questions d’organisation. En ce qui me concerne, le jour de télétravail « mobile» convenait mieux à mon activité, qui comporte beaucoup de réunions où je dois être physiquement présente.
Mais cette souplesse reste bien encadrée : il y a une condition de présence minimum au bureau 3 jours par semaine et un principe de révocabilité. On pose son jour travaillé à distance dans un outil de gestion RH qui est le même que pour les repos compensatoires ou les congés et le manager le valide. Si le manager doit impérativement mettre une réunion qui nécessite la présence physique du collaborateur, le jour télétravaillé est reporté. Je vous rassure, dans la vraie vie les managers n’annulent quasiment jamais un jour de télétravail posé, à part dans des circonstances exceptionnelles !
Donc concrètement, comment est-ce que je détermine mes jours mobiles ? Je regarde mon agenda sur les 3 prochaines semaines et j’identifie les jours où je n’ai pas de réunion et où mon chef est en déplacement.
Comment s’est passé le passage au travail à distance avec votre manager ?
La réaction de mon manager a été très positive. Avant de signer l’avenant à mon contrat de travail, nous avons évalué ma capacité à travailler à distance. J’ai fait un auto-diagnostic d’autonomie et mon manager a également fait ce bilan de son côté. Nous avons convenu ensemble que je pouvais télétravailler. Ensuite, j’ai fait attention à ce que tout se passe bien. Les premières fois que j’ai travaillé à distance, j’en ai même fait un peu trop !
Dites-nous en plus sur votre temps d’adaptation au télétravail !
Quand on commence à télétravailler, on envoie 15 emails par heure pour montrer qu’on est là, qu’on n’est pas en train de ne rien faire… Je n’osais pas aller dans ma cuisine pour me verser un thé, j’avais l’impression d’avoir l’œil de Moscou qui m’observait ! J’avais peur qu’on m’imagine en train de faire tout autre chose que mon travail. Avec le temps, je me suis calmée !
Vous managez une équipe de 8 personnes. Est-ce que la distance change votre manière de fonctionner ?
Que je sois à distance un jour par semaine est complètement neutre sur ma façon de manager parce que mon équipe n’est pas physiquement à proximité de mon bureau. Nous sommes dispersés à différents étages et donc je manage beaucoup à distance, même quand je suis au bureau. Au jour-le-jour, je communique beaucoup avec des outils comme Skype ou Messenger avec mes collaborateurs. Ils sont très autonomes alors ça ne pose aucun problème.
Qu’est-ce que vous appréciez dans le home office ?
J’apprécie particulièrement l’efficacité que procure le télétravail. Quand je travaille de chez moi, je ne suis pas interrompue par le fameux « est-ce que tu aurais 5 minutes ? » des collègues qui s’encadrent dans ma porte. En fait, ce n’est jamais 5 minutes, c’est toujours 1 heure, et, je l’avoue, parfois de mon fait ! Tout ce que je n’arrive pas à faire au bureau, je peux le faire en télétravail. Je trouve que mes journées de travail à distance sont aussi très riches en idées, peut-être parce qu’elles ne sont polluées par aucune interruption.
Du coup, je suis hyper satisfaite de mes journées de home office parce que je suis beaucoup plus productive, alors qu’après certaines journées au bureau j’ai l’impression d’avoir pédalé dans le vide. Il m’arrive, après avoir assisté à 10 réunions et répondu à 40 emails au bureau d’avoir l’impression de n’avoir rien fait ! En réalité je n’ai pas « rien fait » mais je n’ai rien fait de ce que je considérais comme prioritaire et on m’a imposé des priorités. Quand je suis en télétravail, j’ai l’impression d’avoir une plus grande maîtrise de ce que je fais. A la fin de la journée, je me dis : «ah j’ai avancé !».
Et puis il y a un facteur bien-être : je gagne un peu de temps de transport en travaillant de chez moi mais la vraie différence est surtout de ne pas avoir à me confronter à l’extérieur, de rester dans mon cocon ces jours-là. Je l’observe quand j’ai des baisses de régime : travailler de chez moi me permet de remonter mon niveau d’énergie.
Vous avez de jeunes enfants, comment gérez-vous le travail à la maison et la famille ?
En général, je télétravaille le jeudi car mes enfants rentrent à 19 heures ce jour-là. Il y a eu une phase d’apprentissage avec … ma nounou qui est chez moi en journée. J’ai vite marqué mon territoire les jours de télétravail en ne répondant pas à ses sollicitations de conversation et en étant un peu moins conviviale. Je m’entends très bien avec elle et elle a vite compris qu’il ne fallait pas me déranger !
Le plus compliqué a été la cohabitation avec mon mari qui est commercial et travaille souvent de la maison. Au début cela m’a un peu perturbée. Il a fallu quelques petits réglages mais maintenant cela se passe super bien. En bonus, nous déjeunons ensemble, ce qui ne nous arrivait jamais en temps normal !
Des copines m’avaient dit : « tu verras quand on télétravaille, on ne peut pas s’empêcher de lancer une machine ou d’aller chercher son enfant à l’école ». Eh bien bizarrement, ça n’est pas du tout mon cas ! Je souffre plutôt du syndrome inverse. Mon principal problème est d’arrêter ma journée de travail.
Vous avez l’air conquise par le télétravail alors pourquoi ne l’adopter que 2 jours par semaine ?
Tout est une question d’organisation – je vais essayer d’anticiper plus mes réunions en 2017 – mais aussi de moyens techniques. Pour le moment les réunions auxquelles je participe ne sont pas systématiquement organisées dans des lieux permettant la visio-conférence. Et les conférences téléphoniques ne sont pas toujours satisfaisantes quand on a des supports visuels à montrer.
Ce qui est génial dans le système dont je bénéficie c’est qu’il a été conçu de manière totalement flexible. Par exemple, l’autre jour j’avais prévu de télétravailler un mardi mais une réunion du Comité de Direction a due être organisée en dernière minute. Du coup, j’ai déplacé ma journée de télétravail au jeudi. Si c’était un jour fixe, je trouverais cela un peu compliqué à gérer étant donné mon poste.
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