« Au Royaume-Uni, il n’y a pas la culture du présentéisme ».

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House of Cadres est allé à la rencontre d’Emilie, française, mère de 4 enfants, installée à Londres depuis 8 ans. Directrice du marketing digital dans un cabinet de conseil anglais, elle partage avec nous son expérience du temps sur mesure pour les salariés ayant des enfants et d’une culture de la flexibilité au travail en général.

Etre mère de 4 enfants à Londres en étant directrice du marketing digital à (quasi) plein temps, comment est-ce possible ?

Quand j’ai commencé à travailler chez mon employeur actuel, à plein temps, je me suis rapidement rendue compte que les aménagements du temps de travail pour les mères de famille et les parents en général étaient largement acceptés au Royaume-Uni. Toutes mes collègues femmes qui ont un enfant bénéficient d’un aménagement de leurs horaires très personnalisé. Certaines travaillent avec des horaires normaux mais 3 jours par semaine, d’autres sont en télétravail 2 jours par semaine, d’autres encore terminent plus tôt pour aller chercher leur enfant à la sortie de l’école à 15h30. C’est une organisation à la carte qui est contractualisée.

Pour ma part, je travaille à 96 % ! C’est-à-dire que je pars du bureau entre 16h15 et 17h selon les jours. Cela a été très facile à obtenir.

Pouvoir partir à 17 h, dans un poste de manager à plein temps, ça ne vous a pas surpris ?

Au Royaume-Uni, il n’y a pas la culture du présentéisme. Les collaborateurs arrivent assez tôt au bureau, en tout cas pas après 9 heures, et peuvent partir vers 17h-18h même pour des postes à responsabilités. Ceux qui partent tard sont considérés comme mal organisés y compris les hommes. Il y a ici une façon pragmatique d’aborder le travail : si on n’a pas de dossier urgent à traiter, il n’y pas de raison de partir tard.

Au-delà de ce pragmatisme, il existe une vraie différence culturelle, dans les modes de vie. Par exemple, les hommes sont plus impliqués dans le quotidien de leurs enfants. J’ai ainsi remarqué que les pères en cols blancs n’ont pas de complexe à arriver plus tard le matin au bureau pour assister au spectacle donné par leur enfant à l’école. Ils sont plus rares en France… Par ailleurs, beaucoup de londoniens vivent à la campagne. Ils partent tôt du bureau, en revanche ils continuent à travailler dans le train ou depuis chez eux le lundi ou le vendredi.

De plus à Londres, il y a un brassage de nationalités qui fait qu’au travail on va souvent à l’essentiel. Il y a une susceptibilité qui s’efface pour laisser place à la découverte de l’autre.

Au global, il y a au Royaume-Uni une culture de la responsabilité : si je montre que je suis efficace, on me laisse toute latitude pour organiser mes horaires ou travailler de la maison. En conséquence, chacun s’adapte pour atteindre l’objectif fixé et évite de perdre du temps dans la journée. Par exemple, les salariés ne s’arrêtent pas vraiment pour déjeuner. Il n’y a pas de culte de la réunion : les collaborateurs ne sont conviés qu’à des réunions qui les concernent directement et elles sont en nombre limité.

Quels sont les avantages et inconvénients de ce temps de travail et cette organisation personnalisés ?

Depuis que je peux partir avant 17 heures, j’ai l’impression de ne plus être dans une course effrénée pour gérer mon travail et le quotidien des enfants, leurs devoirs, leurs activités… J’ai vraiment un meilleur équilibre de vie. En revanche, c’est à moi d’être plus efficace car mon job reste le même. Cela signifie que je dois parfois retravailler de chez moi le soir. Mais cela ne m’est pas pénible car en échange je bénéficie d’une très grande souplesse d’organisation.

Un point de vigilance quand on est en temps partiel est de bien rester informé de ce qu’il se passe quand on n’est pas là : ne pas rater les informations importantes et s’assurer d’être présent pour les réunions où notre avis doit être défendu. Heureusement, ici les réunions se font en général tôt en tout cas avant 17 heures. Je recommanderais probablement à quelqu’un qui arrive dans une entreprise de commencer par prendre ses marques avant de passer à un temps partiel pour être bien intégré dans l’équipe.

Au-delà des horaires souples et du télétravail, la flexibilité en général semble en état d’esprit qui est omniprésent dans le monde de l’entreprise au Royaume-Uni. Partagez-vous ce constat ?

Oui, effectivement, j’ai pu le constater dès mon arrivée à Londres il y a huit ans. J’étais enceinte et je parlais assez mal l’anglais. Et pourtant j’ai très vite trouvé un emploi. Mon « état » et mes difficultés en anglais à l’oral ne posaient aucun problème aux recruteurs. Ce qui était important pour eux était ma compétence et ma motivation. J’ai commencé par un contrat à durée déterminée très valorisé et bien payé. Comme ils étaient contents, ils ont renouvelé le contrat jusqu’au moment où je voulais m’arrêter avant mon accouchement. Comme au Royaume-Uni, les employeurs ont la possibilité de mettre fin à un contrat de travail facilement, ils donnent leur chance à des candidats qui ne sont pas parfaits sur le papier. Et cela est bénéfique pour tout le monde !

En 2010, la filiale anglaise de l’entreprise pour laquelle je travaillais à l’époque a fermé. J’étais à nouveau enceinte et plutôt préoccupée par la situation qui était inédite pour moi. J’ai été étonnée de constater que mes collègues de 25-30 ans n’étaient pas du tout inquiets de perdre leur job. Ils le voyaient comme une opportunité de progresser dans leur carrière et trouver un job mieux payé. Ils avaient d’ailleurs déjà changé d’entreprise 2 ou 3 fois. Contre toute attente, l’entreprise a fait en sorte de maintenir mon contrat le plus longtemps possible pour que je parte au moment où j’avais le droit à un congé maternité. Et après mon congé maternité on m’a appelé pour un emploi dans un cabinet de conseil juste à côté de la maison !

Finalement, à Londres dans mon secteur et ceux qui emploient des « knowledge workers » (« travailleurs du savoir ») comme la finance par exemple, les collaborateurs ne restent pas dans leur job parce qu’il est difficile de trouver un emploi ailleurs mais parce qu’ils trouvent un intérêt à ce qu’ils font pour leur carrière. Ils sont plus maîtres de leur trajectoire. En conséquence, ils veulent que leur emploi soit intéressant. En France, quitter son job est une grosse affaire parce que l’on sait que retrouver un travail sera difficile. Il est certain qu’en Angleterre, vu le faible niveau d’indemnisation des chômeurs, quand on perd son emploi, on en cherche un autre immédiatement. Mais il n’y a pas cette peur du chômage étant donné la fluidité du marché du travail. En même temps, dans la carrière d’un anglais, il est fréquent de prendre 6 mois sabbatiques. Ces initiatives sont même valorisées et encouragées par certaines entreprises qui considèrent que le collaborateur progressera mieux grâce à cet enrichissement, à ce recul. Les recruteurs apprécient quelqu’un dont la vie personnelle est riche, notamment si elle a des engagements caritatifs ou associatifs.

En quoi le modèle anglais pourrait-il nous inspirer en France ?

Nous devrions nous inspirer de cette acceptation par les entreprises et les managers du besoin de flexibilité des salariés. Ici les entreprises comprennent que permettre aux salariés d’ajuster leur organisation du travail en fonction de leurs circonstances personnelles est un facteur de succès.

Le mot de la fin

J’appréhende un peu mon retour en France probablement d’ici 5 ans. Est-ce que je retrouverai cette approche souple du temps salarié ? Heureusement, les mentalités commencent à changer, notamment grâce à des initiatives comme  celle de House of Cadres !

 

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