Article publié le:03-02-2016
« J’ai designé mon activité pour qu’elle permette à mon emploi du temps d’être flexible. »
Après 10 ans de salariat dans le conseil puis la banque, Jérôme a créé sa propre société pour décider de son emploi du temps et réellement s’investir dans le quotidien de ses enfants. Il partage avec nous son expérience en tant que gérant et ses conseils lucides à ceux qui veulent quitter le salariat pour devenir maîtres de leur temps.
Quel type d’emploi flexible occupez-vous aujourd’hui ?
Je suis aujourd’hui gérant de ma société qui produit de la recherche sur des sociétés cotées. Je me suis rendu compte après avoir entamé une réflexion de plusieurs années que la seule façon d’avoir du temps pour ma famille et de choisir mes horaires était de créer ma propre entreprise.
Qu’est-ce qui vous a poussé à quitter le confort du salariat pour devenir entrepreneur ?
C’est la rencontre d’une aspiration et d’une intuition. L’aspiration a été de passer du temps avec mes enfants, c’est-à-dire pas seulement leur faire risette en rentrant une demi-heure plus tôt à la maison le soir, mais vraiment m’en occuper. Quant à l’intuition, je me suis retrouvé au bout de 10 ans de job sérieux dans le conseil et la banque avec le sentiment d’être arrivé sur une autoroute, celle d’un cadre supérieur quelconque. L’idée que ma carrière sur les 30 ou 35 ans à venir était déjà écrite ne m’excitait pas. Cela m’a donné envie de bifurquer et de faire autre chose.
Ensuite la réflexion a été simple. Je pouvais créer une activité en lien avec les compétences que j’avais développées ou racheter une boite. J’ai quitté mon job et je me suis donné 18 mois pour monter ma boite et affiner le business model, le projet, la partie administrative… J’ai aussi travaillé sur la reprise d’une boite avec des amis. Au bout de ce processus, je me suis rendu compte que la seule façon d’atteindre mon premier objectif – m’occuper de mes enfants -, était d’être le seul maître à bord. Par contre, il fallait absolument que je sois capable d’adapter le contenu même de l’activité à ce que je voulais dégager comme temps pour mes enfants. Si je voulais être à 16h30 pour aller chercher mon gamin à l’école, je ne pouvais pas me permettre d’être dans une boîte où j’aurais eu un rendez-vous à 17h. J’ai donc « designé » mon activité pour qu’elle permette à mon emploi du temps d’être flexible.
Pouvez-vous nous raconter comment vous travaillez ?
Je n’ai pas de journée type. En revanche, je prévois une période où je privilégie les rendez-vous physiques car sinon je passe l’essentiel de mon temps à travailler seul. Passer du tout au rien, ça n’a pas été facile. J’ai fait entrer des associés à mon capital pour avoir accès à des réseaux, à des carnets d’adresse mais aussi pour pouvoir discuter avec des gens de mon activité.
Je travaille seul mais j’ai des bureaux depuis le départ. J’ai besoin de sortir de chez moi. Un des bons conseils qui m’ont été donnés a été d’avoir un lieu de travail distinct de la maison. Quand je suis là-bas je bosse, je ne suis pas en train de faire autre chose. Psychologiquement c’était important de prévoir cet espace. C’est un bureau basique, avec une bibliothèque, une table et un ordinateur ! Mais c’est important. Ne serait-ce que mentalement.
Selon vous quelles sont les contraintes de cette organisation du travail ?
Une des contraintes est tout le processus de socialisation qui est différent quand on est à son compte et qu’on travaille seul chez soi. Les rapports qu’on entretient avec les gens sont différents. Nous vivons encore dans une société où la position du cadre dans une grande entreprise est très reconnue. Quand tu es indépendant, les gens ne te regardent pas tout à fait de la même manière.
Une autre chose à prendre en compte est qu’il est très difficile de bien faire deux choses à la fois. J’ai trouvé que c’était très difficile au début de monter ma boite qui me demandait beaucoup d’énergie et en même temps m’occuper de mes enfants. C’est d’ailleurs pour cela que je me suis très vite fixé une règle : me donner une priorité. J’ai décidé que ma priorité c’était m’occuper de mes enfants. Et cette règle me sert presque tous les jours. Par exemple si j’ai décidé d’aller chercher mes enfants à l’école à 16h30, si à 16h15 je n’ai pas fini de lire un document pour le boulot, je sais que je dois m’arrêter. Si je reçois un coup de téléphone professionnel à 18h, je sais que je ne vais pas répondre et que j’enverrai un message à mon interlocuteur l’informant que je ne peux pas répondre.
Quel regard portent les gens sur ce choix de vie professionnelle ?
Les gens trouvent très bizarre de voir un père de famille qui va chercher ses enfants à la sortie de l’école. Ils pensent souvent que je ne travaille pas, que je suis au chômage. Je sens bien dans le leur regard une forme d’interrogation. De manière générale, le regard sur les entrepreneurs est positif mais différent de celui posé sur les cadres supérieurs. En tant qu’entrepreneur, tu n’as plus ton assistante, ta voiture de fonction… on te regarde différemment.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait se lancer dans l’entrepreneuriat ?
Je leur dirais de bien se renseigner avant de se lancer. Ce qui a été utile pour moi a été cette phase préliminaire de 18 mois durant laquelle je me suis informé : j’ai rencontré un expert comptable, des avocats, des notaires… des gens qui m’ont conseillé sur la manière de structurer mon business. J’ai aussi rencontré des entrepreneurs qui m’ont alerté sur certains écueils auxquels j’allais me heurter. Ils m’ont ouvert les yeux sur des choses qui n’étaient pas réalités pour moi. Ca a été très important.
Ensuite c’est très important d’être bien entouré. Quand tu as travaillé dans une boite où tu bénéficiais d’un certain confort, où tu avais 3 personnes qui pouvaient répondre à tes questions, où tout était mâché, ce n’est pas si facile que ça de devenir entrepreneur. Alors avoir le soutien de ta femme, tes enfants, même tes parents, ça aide beaucoup.
Enfin, j’insiste encore sur l’idée de bien définir sa priorité. Pour quelle raison je choisis de changer de statut et pour quelle raison j’ai besoin de flexibilité. Personnellement, cela m’aide de me souvenir pourquoi j’ai fait ce choix. S’il n’y a pas de vrai projet derrière, il peut y avoir une forme de déception.
Le mot de la fin…
Parfois ma femme me demande « mais tu ne regrettes pas l’époque où tu étais… ». Par nature j’aime ma liberté. Depuis que j’ai découvert la liberté de faire ce que je voulais comme je le voulais, j’y suis très attaché et aujourd’hui je n’imagine absolument pas revenir en arrière !
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