« La solution de la souplesse « à la carte » est apparue plus adaptée, dans mon cas. »
Propos recueillis par Judy Raffray
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House of Cadres est allé à la rencontre de Laure, qui occupe un poste de directrice du développement des Ressources Humaines au sein du Groupe Sodexo. Elle partage avec nous son expérience de la flexibilité avec un double regard de collaboratrice et de manager, bousculant certaines idées reçues sur le sujet.
Vous occupez un poste de direction dans les ressources humaines chez Sodexo. La flexibilité au travail est-elle compatible avec un poste à responsabilités comme le vôtre ?
Je bénéficie de beaucoup souplesse dans l’organisation de mon travail. Ce n’est pas une flexibilité – contractualisée – du type une journée de télétravail définie – mais « à la demande », en fonction de mes besoins qui peuvent varier d’une semaine à l’autre. Lorsque j’ai besoin de travailler à distance pendant une journée ou si j’ai un rendez-vous médical pour mes enfants dans l’après-midi, je peux très facilement faire du home office ou partir plus tôt du bureau, quitte à re-travailler le soir. Je peux également travailler depuis un espace de co-working qui est à côté de chez moi.
Est-ce que vous avez demandé à bénéficier de cette flexibilité ou vous a-t-elle été proposée spontanément ?
J’ai trois enfants et au retour de mon deuxième congé maternité, je me suis posé la question du temps partiel. En discutant avec mes managers et en considérant mes responsabilités et aspirations professionnelles, je me suis rapidement rendue compte que ce n’était pas la solution idéale, ni pour moi, ni pour l’entreprise. Mes managers ont été très compréhensifs et m’ont dit : « nous pouvons certainement trouver une solution pour t’aider à gérer tes contraintes personnelles et te permettre de faire ton travail en parallèle ». La solution de la souplesse « à la carte » est apparue plus adaptée, dans mon cas, comparée aux options « un jour fixe de télétravail » ou « mercredi non travaillé ». J’avoue que j’avais quelques doutes au départ. Mais ça a très bien fonctionné parce qu’on a mis en place un vrai contrat de confiance, extrêmement bénéfique pour l’entreprise et pour moi. Moi, ça m’a permis de rester à temps plein et de me développer professionnellement – sans être étiquetée « temps partiel », ce qui était un vrai risque il y a 5 ans – et l’entreprise a pu garder et développer une ressource. Pour mon 3e enfant, j’avais changé de poste. La question s’est de nouveau posée avec mes nouveaux managers, mais nous sommes repartis sans hésitation sur ce mode d’organisation qui nous convenait à tous.
Quel est le regard de vos managers par rapport à votre organisation flexible « à la demande » ?
J’ai beaucoup de chance car j’ai des managers avec qui j’ai une vraie relation de confiance et qui sont très à l’aise avec la flexibilité au travail. Ils sont ouverts sur le sujet soit parce qu’ils en ont bénéficié personnellement, soit parce qu’ils l’ont vu pratiquer. Pour que ce mode d’organisation fonctionne, il faut un peu de communication, de la confiance, des outils qui permettent de savoir où on en est et de pouvoir se joindre rapidement, et surtout une feuille de route sur ce que chacun doit faire. En ce qui me concerne, j’ai des objectifs personnels annuels à réaliser mais j’ai aussi une vision claire des enjeux de l’entreprise et de la manière dont mon équipe et moi pouvons y contribuer.
En parlant d’équipe, vous êtes manager de 5 personnes. Comment vous positionnez-vous en tant que manager sur la flexibilité ?
Je suis complètement ouverte à la flexibilité au travail pour mon équipe. C’est probablement parce que je travaille avec des personnes de confiance et de qualité. J’ai eu l’opportunité de recruter 2 collaborateurs et je leur ai immédiatement dit que s’ils souhaitaient être en télétravail un jour par semaine : cela ne posait aucun problème (l’entreprise a signé un accord de télétravail). Il faut rappeler que Sodexo est un Groupe dont la vocation est d’améliorer la qualité de vie au quotidien des personnes que nous servons. En tant qu’employeur, nous avons cette responsabilité vis-à-vis de nos salariés.
Les choix de flexibilité dans mon équipe sont finalement très variables. Un de mes collaborateurs est brésilien et doit parfois retourner dans son pays plusieurs semaines, un autre télétravaille un jour par semaine, certains ont des contraintes familiales ponctuelles, d’autres enfin n’en ressentent pas le besoin. Tous peuvent sans problème travailler à distance ou aménager leur emploi du temps en fonction de leurs besoins. L’important est qu’ils aient une vision claire de leurs missions, qu’ils la partagent et qu’ils y adhèrent. Une fois que ces principes sont posés et tant que la communication reste fluide entre nous, la manière dont ils organisent leur travail importe peu. Au sein de mon équipe, nous utilisons un outil de gestion de projet qui permet à chaque collaborateur de connaître les projets en cours, la répartition des responsabilités et de suivre en direct l’avancement des dossiers. Nous sommes donc en mode « partage d’informations », ce qui nous permet de ne pas avoir à être physiquement au bureau en permanence.
Je pense qu’il est toutefois important de garder des rituels autour du « travail ensemble », et de pouvoir se réunir physiquement, en équipe, régulièrement pour partager. Aujourd’hui, je ne suis pas certaine que – dans le groupe dans lequel nous travaillons, étant donné l’activité de l’équipe – nous puissions passer au télétravail à 100%. Mais tant que nous nous mettons d’accord à l’avance, la flexibilité fonctionne très bien avec mes collaborateurs.
La flexibilité à la demande, facilitée par les outils de travail nomades, peut rendre plus floue la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle. Comment gérez-vous cet équilibre à titre personnel et en tant que manager ?
A titre personnel, je trouve que cet équilibre n’est pas toujours facile à gérer parce qu’on peut se laisser happer par un projet, parce qu’on est tenté de regarder en permanence son smartphone pour suivre l’avancement d’un dossier… C’est très bien d’avoir une organisation souple et de pouvoir ouvrir son ordinateur pour retravailler le soir, mais quand ça devient systématique ce n’est pas sain. Il est donc important d’être vigilant et de se poser régulièrement la question « est-ce vraiment indispensable ? », pour que le professionnel n’envahisse pas complètement la vie privée.
Et puis, en tant que manager, je dois prendre en compte le fait que mes collaborateurs et moi n’avons pas tous les mêmes profils de vie et donc, contraintes. Si j’envoie des emails tard le soir – parce que cela correspond à mon organisation du travail ce jour-là -, je rassure mon équipe sur le fait qu’elle n’a ni à y répondre le soir même, ni à adopter le même comportement! Il est important que ces règles soient dites par le manager. Il y a des collaborateurs qui préfèrent travailler de 9h-18h sans se reconnecter ensuite. D’autres choisissent d’avoir plus de flexibilité et vont parfois retravailler le soir. Quant aux collaborateurs qui voyagent beaucoup, il est tout à fait normal qu’ils puissent arriver plus tard au bureau ou travailler de chez eux en retour de déplacement à l’étranger. C’est vraiment au cas par cas.
Le mot de la fin
Certains managers me consultent dans des cas de dossiers de télétravail pour lesquels ils ne sont pas à l’aise. Cette interrogation est souvent révélateur d’un problème managérial et non d’un problème par rapport à cette organisation du travail. Je leur conseille de se poser les bonnes questions : « est-ce que ce collaborateur est bien intégré dans mon équipe, sait-il (et savons-nous) clairement quels sont ses objectifs, quel plan de développement avons-nous pour lui ? Il est nécessaire de régler ces sujets afin d’établir un contrat de confiance indispensable à une organisation flexible du travail.
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