« Le choix de la sécurité a été de partir du salariat. »

MAMagnac

 House of Cadres est allé à la rencontre de Marie-Anne Magnac, entrepreneuse et slasheuse. Elle partage avec nous son passage du salariat à l’entrepreneuriat.

 Quel type d’emploi flexible occupez-vous ?

Je suis entrepreneuse et slasheuse. J’ai développé l’initiative « Quelques femmes du numérique » avec le consultant en médias numériques Olivier Ezratty, j’enseigne en master 1 et 2 notamment sur l’impact de la révolution numérique sur les métiers des ressources humaines et de la communication, je développe des offres de formation et accessoirement je suis agent de photographes… et j’ai plein d’autres projets en cours !

Pouvez-vous nous raconter le parcours qui vous a amené à quitter le salariat ?

J’ai été salariée dans le secteur de la communication et la publicité pendant 15 ans. A cette époque, l’idée de devenir entrepreneure ne m’aurait pas effleurée. Et puis il y a eu un déclencheur : j’ai été victime de harcèlement moral au bureau. Étonnamment, pour m’en sortir, j’ai développé un projet en parallèle de mon job : un livre de photos sur les chanteuses de jazz. Sans m’en rendre compte, je me suis mise dans une dynamique d’entrepreneuriat. Lorsque mon employeur a lancé un plan de départ volontaire restreint, j’ai sauté sur l’opportunité en présentant un dossier de création d’agence de photographes qui a été accepté et encouragé.

Les gens associent encore la sécurité au salariat. Dans ma situation, je me mettais beaucoup plus en danger en restant salariée dans mon entreprise qu’en devenant indépendante. Je ne pouvais plus continuer à travailler dans un environnement où je n’étais plus à ma place, qui avait un impact dévastateur sur ma santé et ma vie de famille. Le choix de la sécurité a été de partir du salariat.

Comment travaille-t-on quand on a des activités professionnelles multiples ?

Tout d’abord, je fais en permanence des connections entre les sujets que j’aborde parce que j’ai un fil rouge qui oriente mes choix de projets : la conviction que c’est en développant la liberté individuelle de chacun qu’on construira un monde prospère et apaisé. Et je m’attache particulièrement à aider les femmes dans cette aventure. L’initiative « Quelques femmes du numérique » est mon navire amiral : quand on parle d’innovation numérique; on est au cœur du sujet de la mixité. Ce projet me nourrit d’idées pour mes cours et mes formations.

Et en pratique je suis nomade et au cours d’une journée je travaille dans des lieux différents. Au départ, je m’étais installée dans un espace de coworking pour ne pas être isolée. Quand on se lance, c’est très important de pouvoir échanger avec les autres. Aujourd’hui entre mes rendez-vous extérieurs, les cours et mes différents partenaires professionnels, je n’en ai plus besoin. J’effectue mon travail écrit et de recherche chez moi. En revanche, je m’impose de ne faire aucune tâche ménagère lorsque je travaille de la maison. Concernant mon hygiène de vie, j’ai des progrès à faire. Je déjeune souvent devant mon ordinateur, ce qui n’est pas franchement bien. De temps en temps, je vais marcher en écoutant de la musique, ce qui me permet de vraiment déconnecter. Je vais voir des expositions de photos au moins une fois par mois pour me nourrir visuellement.

Qu’est-ce que vous appréciez et quelles sont les contraintes de cette façon de travailler ?

J’ai une vie professionnelle d’une richesse intellectuelle incroyable, sans commune mesure avec celle que j’avais en étant salariée. Quand tu es entrepreneur, quelle que soit ton activité, tu es obligé de faire de la veille et de te nourrir en permanence de contenu car les sujets et les acteurs évoluent très vite. Le statut de salarié est souvent un carcan qui t’empêche de faire cet exercice. C’est un vrai frein à la capacité d’innovation individuelle et de raisonnement à 360 degrés. C’est un comble car, aujourd’hui, c’est justement cette qualité que les entreprises recherchent. Le fait d’être entrepreneur t’oblige à apprendre à te connaître et à repousser tes limites. Tu es obligé d’essayer, souvent d’échouer et d’accepter l’échec pour rebondir et tester une nouvelle idée.

Attention quand on se lance dans l’entrepreneuriat, il ne faut pas aimer le confort car on renonce à certaines choses, notamment la tranquillité d’esprit !

Le fait d’être indépendante m’apporte aussi beaucoup de souplesse au quotidien. Si je dois accompagner mon fils chez le médecin, je m’organise comme je veux. Mais c’est à moi de gérer mon temps. En revanche, c’est un combat de tous les jours pour faire comprendre à mon entourage proche que, même si je suis à la maison, je suis vraiment en train de travailler et pas disponible pour autre chose.

Quels conseils donneriez-vous à des cadres souhaitant se lancer dans l’entrepreneuriat?

La qualité à développer quand on devient entrepreneur est le courage. « Courage »  vient étymologiquement du mot « cœur ». C’est-à-dire qu’il faut s’aimer, se respecter. Quand les choses coincent, sont plus difficiles, il faut  se rappeler son fil conducteur, ce qu’on aime au fond et nos valeurs. En ce qui me concerne, j’ai découvert que j’avais envie d’apporter ma pierre au bien commun.

Quand tu es indépendant, tu dois aussi apprendre à être totalement présent dans ce que tu fais. Sinon tu fais les choses à moitié et tu culpabilises. Il faut savoir fermer la porte du « bureau » (virtuel !) pour avoir des sas de décompression avec sa famille ou d’autres activités. Cela demande une grande discipline. Personnellement, je pense qu’il est important de s’arrêter le week end, de décider de ne pas ouvrir ses emails professionnels, même si c’est très tentant !

Le mot de la fin

Ce n’est pas avec des outils qu’on changera les habitudes de travail. C’est une question de culture et de valeurs. Je suis convaincue qu’il faut accompagner en expliquant aux managers et salariés ce qu’il se passe avec la révolution numérique non seulement pour leur entreprise mais pour toute la société.

Les gens ne savent pas ce qui va les attendre sur le marché du travail dans les prochaines années. La question est vraiment « comment faire grandir un être humain dans le monde d’aujourd’hui et qu’il s’adapte au marché de l’emploi de demain ». Pour moi il est important de préparer les jeunes à ce monde et notamment les filles en les encourageant très tôt à aller vers les métiers du numériques.

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